Trisomie 21 Million Lights

Dans la discographie de Trisomie 21, que j'ai complète au niveau des albums, je crois pouvoir dire que cet album en est le sommet. Tout simplement, Million Lights est tout ce que peut créer les deux frères Lomprez comme s'ils avaient été dans une bulle, leur bulle. Peu d'influences extérieures atteignent cette musique à part, sans concession, fruit d'une macération intellectuelle poussée et d'une technicité extrême. Jamais les machines ne seront les Maîtres avec eux, c'est l'humain qui crée et qui se sert d'elles...Evidemment, les esprits chagrins trouveront cette musique synthétique, alambiquée et froide. Je dirais qu'elle est au contraire grandiose...On y rentre comme pour échapper à l'apesanteur...Les instruments classiques (basse, guitare, batterie) y sont pratiquement absents, mais l'utilisation des synthés est de haut niveau, avec des samples bien placés. La voix domine le tout avec délectation et les textes y sont réalistes. On peut trouver de la noirceur, mais aussi des ambiances fantomatiques, du désespoir, mais le tout dans une sorte d'immensité musicale. L'album ouvre avec "The Hazy Ridge" qui donne très vite le ton. Chaque morceau a une construction bien définie, qui campe une ambiance particulière. Il convient de faire ressortir du lot, même si aucun morceau n'est faible, "Sunken Lives" qui est tout en décalage sur des plages synthétiques hachées de riffs de guitares lointains, "Sharring Sensation", typique de ce groupe avec synthés omniprésents plaintifs, batterie électronique, guitare mixée au loin et voix sépulcrale chantant un texte bien ciblé, "Some Twenty One Miles From The Coast" comprenant batterie surprogrammée et la voix de Philippe torturée. Certains morceaux se passent allégrement de chant, tant le foisonnement de sons est important. Voix d'outre tombe, ambiance aquatique, cris déchirants, harmonica perdu dans le brouillard...Tout concourre à une avalanche de sentiments les plus divers au cours de l'écoute de cet album, mais quel frisson....