The The Infected

Il ne faut jamais s'arrêter à une pochette. Je crois que celle de cet album m'a fait reculer pendant quelques mois. Pourtant, quelques amis ayant franchi cet obstacle, me recommandaient chaudement cet album, muri longuement par un artiste à part et méticuleux : Matt Johnson. Le bougre mélangeait allègrement batterie puissante, percussions sautillantes, synthés décalés, basse louvoyante, chœurs sensibles, riffs de guitare et voix immédiatement reconnaissable. Oui, je sais il ne jouait pas de tous les instruments mais savait ce qu'il voulait, une palette large de pop, soul, blues, rock, voire new wave, invitant souvent d'autres personnages connus ou inconnus à participer à son œuvre (plus de 30 personnes ont collaboré ici). On a encensé les Happy Mondays quelques années plus tard, alors que je suis persuadé que Matt Johnson était celui qui devait passer à la postérité, pour avoir créé cette musique formidablement ouverte sur d'autres styles, des textes intelligents et une originalité indéniable. Il ne faisait pas l'unanimité mais s'en fichait complètement. Je ne sais vraiment pas si cet album restera comme le meilleur de The The, mais je reconnais une grande valeur à celui-ci, car aucune chanson n'est faible et chaque morceau peut être commenté de manière indépendante. Notre ami a réussi avec cet album à relier donc une musique alléchante et dansante avec des textes éclairés et cyniques sur le monde superficiel qui prévaut dans les années 80. La production est extraordinaire et à la hauteur de l'ambition affichée, pour faire ressortir la richesse de l'orchestration. Cela démarre très très fort avec "Infected" gonflé aux amphétamines, une rythmique d'enfer et une distribution instrumentale exemplaire. "Out Of The Blue" calme le jeu au niveau de l'intro, mais s'élève enfin à grands coups de batterie martiale et de synthés syncopés. Matt Johnson domine le tout avec sa voix nasillarde, avec une facilité déconcertante. "Heartland" est porté par un piano sautillant, des chœurs féminins au charme indéniable, des cordes méticuleuses, un harmonica entrainant. Cette ballade se termine bizarrement comme un disque rayé... "Angels Of Deception" contient une contrebasse omniprésente, compte des breaks très marqués dans lesquels il est distillé un savoir vocal suffisamment large pour marquer les esprits. Que dire des envolées et de la fin du morceau très soul ? La barre est décidément placée très haut... "Sweet Bird Of Truth" n'est pas en reste avec des percussions justes et un son général sombre (parties de sax bétonnées). Le timbre vocal y est poisseux, enveloppant, jouissif. "Slow Train To Dawn" y voit la jolie rencontre avec Neneh Cherry pour un ton mélancolique, donnant un morceau particulièrement bien mené par les deux voix réunies. "Twilight Of A Champion" a de fortes connotations jazzy, mais vite ramené sur un terrain synthétique grandiloquent, avec des éclairs électriques menaçants. "The Mercy Beat" clôt cet album de façon magistrale avec des cuivres haletants...
Cet album est d'une richesse incroyable, qui résiste bien à l'épreuve du temps, même si les propos de Matt Johnson traitent de l'actualité et des peurs existantes il y a 20 ans désormais (dont certaines restent d'actualités quand même). On comprend aisément pourquoi trois longues années ont été nécessaires pour élaborer ces huit titres aux ressources inépuisables...